Sous-diagnostiquée, l’apnée du sommeil pédiatrique n’est pourtant pas rare. Mais non traitée, elle peut avoir des conséquences graves sur le développement de l’enfant.
On en entend souvent parler chez l’adulte, mais peu chez l’enfant. Pourtant, l’apnée obstructive du sommeil (AOS) pédiatrique n’est pas rare. On estime que de un à cinq pour cent des enfants en souffrent, ce qui en fait l’un des problèmes respiratoires pédiatriques les plus fréquents.
Caractérisée par des arrêts momentanés de la respiration pendant la nuit, l’AOS résulte d’une obstruction partielle ou complète des voies respiratoires, tant chez les adultes que chez les enfants. Toutefois, d’une population à l’autre, les causes diffèrent.
Chez les enfants, des amygdales trop volumineuses ou des végétations adénoïdes – des excroissances situées dans la partie supérieure de la gorge, en arrière du nez et derrière la luette – causent fréquemment l’AOS en rétrécissant l’ouverture des voies respiratoires. L’obésité – comme chez l’adulte –, des malformations craniofaciales et des maladies neuromusculaires peuvent aussi provoquer cette affection pédiatrique.
Nelly Huynh s’intéresse à ce problème de santé. Professeure à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, elle étudie les corrélations entre les troubles respiratoires, les malformations craniofaciales et le sommeil dans une perspective de médecine dentaire.
Ses recherches visent surtout la prévention et le dépistage de l’AOS pédiatrique ainsi que la recherche de traitements, considérant qu’elle est sous-diagnostiquée et peut avoir des conséquences graves.
Plus qu’une question de fatigue
«Contrairement aux adultes, les enfants qui souffrent d’apnée du sommeil ne se plaignent pas nécessairement de somnolence diurne excessive, il n’est donc pas rare que les parents ne s’en aperçoivent pas», souligne Nelly Huynh.
La chercheuse précise que les enfants vont plutôt avoir tendance à être irritables ou impatients, à présenter des difficultés d’apprentissage, un retard de croissance ou des troubles du comportement et de l’attention. Certaines études laissent d’ailleurs entendre qu’il y aurait un lien entre l’AOS et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.
«Le sommeil permet la régulation de l’humeur, en plus de l’encodage sur les plans cognitif, moteur, immunitaire, endocrinien et cardiovasculaire. C’est aussi pendant la nuit qu’il y a le plus gros pic de sécrétion de l’hormone de croissance. Et quand toutes ces fonctions sont perturbées par une mauvaise oxygénation et une fragmentation du sommeil chez un individu en plein développement, les conséquences sont potentiellement graves», signale Nelly Huynh.
Heureusement, les traitements de l’AOS sont généralement efficaces et varient en fonction de la cause de l’apnée. Par exemple, si elle est d’origine anatomique (hypertrophie des amygdales), la chirurgie est l’option privilégiée. Pour les malformations craniofaciales, des traitements orthodontiques peuvent notamment permettre une expansion palatine ou un guidage de la mandibule vers l’avant pour dégager les voies respiratoires. Autrement, le recours à un appareil de ventilation en pression positive continue est aussi envisageable.
Intervenir en amont, très en amont
Pour Nelly Huynh, une intervention précoce reste la clé pour éviter les importants déficits développementaux que peut causer l’AOS. Et elle s’intéresse à la source de ce problème: elle mène un projet de recherche auprès de femmes enceintes pour déterminer les conséquences de l’apnée du sommeil sur la grossesse, mais aussi sur la santé des mères, celle du fœtus et celle de l’enfant en devenir.
«Nous avons constaté que, lorsque la mère fait de l’apnée du sommeil pendant la grossesse, l’enfant semble plus à risque d’en souffrir également. Mais nous ne savons pas si ce facteur de vulnérabilité s’explique parce que l’enfant a hérité de certains caractères anatomiques de sa mère, s’il s’agit d’une prédisposition génétique ou si la cause est environnementale», explique la chercheuse.
En s’intéressant aux grossesses, Nelly Huynh cherche à savoir si traiter l’AOS d’une femme enceinte pourrait améliorer la santé de la mère et du fœtus, et ainsi possiblement prévenir l’apparition de l’apnée chez l’enfant à naître.
Si un dépistage précoce reste aussi la meilleure façon d’éviter les séquelles potentielles de l’AOS, la chercheuse déplore la difficulté des familles à obtenir un diagnostic. Ce dernier repose sur la polysomnographie, soit un enregistrement des données physiologiques pendant le sommeil en laboratoire de sommeil, un test effectué en milieu hospitalier et pour lequel les listes d’attente sont très longues et qui rarement offert en milieu privé.
Source : L’apnée du sommeil pédiatrique, une réalité à surveiller | UdeMNouvelles (umontreal.ca)